Walker… « Texas-flasheur »…
Rétrospective des clichés du photographe américain Walker Evans au centre Beaubourg!
W Evans me pardonnera sans doute, de ne l’avoir découvert que quelques 42 ans après sa mort.
Il est peu de dire que le garçon est sombre… S’en contenter nous plongerait dans l’euphémisme…
Le garçon est noir…, malgré la pigmentation de son épiderme qui dément l’assertion en prouvant le contraire.
Oui, le garçon est noir, et son oeuvre le révèle de plein fouet.
Il semble se complaire au cœur d’ambiances obscures, ou la géométrie des décors se confond avec les contours des corps et des visages…
L’ombre omniprésente les unit à jamais.
On goûte, avec plus ou moins de bonheur, l’imprécation des êtres et de leurs cités, avec un certain malaise qui semble ne pas vouloir vous quitter. Peut-être, au fond, ce malaise indéfinissable est-il la touche indispensable à l’achèvement de l’oeuvre.
Deux des trois premiers clichés, choisis par les organisateurs pour ouvrir l’exposition sont, en ce sens, révélateurs du goût pour l’obscur, de l’artiste.
Et le sujet de ces premiers clichés ne sont pas anodins et ne peuvent rien devoir au hasard…
Des « autoportraits », pris rue de la Santé à Paris, en 1926.
La mise en scène, qu’il n’aura pas manqué d’apporter à l’expression de sa propre image dans l’espace, le fait se positionner au côté d’un volet de bois aux lames horizontales. Il y a quelque chose de « carcéral » dans la symbolique dégagée par la régularité de ces degrés horizontaux. W Evans a du trouver plaisant d’être rue de la Santé…
Et puis…, il y a aussi ce « Pont de Brooklyn », que le photographe a copieusement mitraillé, au fil du temps.
Là… Il fallait ce cliché! Il fallait le voir! Avec lui, le champs des possibles de l’interprétation parait devoir s’ouvrir sans fin.
Sans sortir, une seule fois, de l’atmosphère anthracite de son univers…
D’abord, W Evans, l’a pris de dessous (pour cette vue là…).
Sa masse noire enjambe la cité, le port… elle semble ainsi être une entité qui ne goûterait pas la compagnie humaine et chercherait à la dépasser.
Et puis, la géométrie sombre de la face inférieure du pont offre l’aspect d’une plume de stylographe… comme tenue par la main d’un dieu rageur, biffant d’un trait ce qui viendrait de lui déplaire et qui aurait assez duré!
Lors, on ne sait pas trop ce qui vient d’arriver à cette cité…, à ce port, cachés qu’ils sont par l’opacité d’un nuage bas et dense.
Séisme?..
Irruption volcanique?..
Feu nucléaire?..
Ou bien, plus prosaïquement, l’agglomération maritime devient-elle la proie des épaisseurs blanchâtres relâchées par une bande de steamers qui s’attardent?..
L’oeuvre de W Evans est suffisament riche pour que l’on ne cherche pas à en faire le tour…
Cela serait par trop fastidieux et finirait par nous en éloigner, mais…
Mais, je me refuse à quitter ces clichés sans évoquer ce qui m’a également touché…
Dans la série: « Portraits d’Anonymes »
Trois portraits de femmes…
Pris au sortir d’une usine… d’un atelier… ou d’un bureau… bref à tout le moins, au sortir d’un lieu de travail…
Je ne peut m’empêcher de trouver dans l’expression de chacun des visages de ces trois femmes, le reflet d’un certain mal-être indéfinissable…
Chromatiquement parlant, ces trois portraits ne sont pas spécifiquement sombres…
Peut-être qu’alors, l’ombre ne réside-t-elle que dans ces traits durcis, d’un visage qui trahit la douleur d’une âme?..
Peut-être l’œil de W Evans a-t-il décelé ces angoisses latentes avant d’appuyer sur le bouton de son appareil?..
Peut-être ne lui sont-elle apparues qu’après le développement ?..
Peut-être ne suis-je après tout que la proie de mon imagination?..
Je crois que je ne le saurai jamais…
Bosco57